ALICE AU PAYS RÉCURSIF


En cette belle après midi de juin, le soleil plein d'ardeur resplendissait en un doux ciel azuré. Tout autour de la cité de Miltdown, ce n'étaient que joies champêtres, rires d'oiseaux et babillements de commères.

Mister Hamington, le pasteur, avait laissé classe libre à ses élèves... "Pour qu'ils puissent à loisir étudier Mère nature à l'ouvrage en cette belle contrée" : leur avait-il sentencieusement annoncé. Aussi, la petite Alice, munie de son herbier et de sa soeur, s'en allait étudier la photosynthèse, les cycles de l'azote et du carbone, la distribution stochastique des espèces en milieu sub-forestier, et l'équilibre de l'écosystème de la clairière avoisinante. Ce à quoi elle ajouta : "Trala lala !".

Vêtues toutes deux de leurs belles robes blanches, et arborant fièrement leur chapeau de paille enrubanné, elles sortirent du cottage familial, aux murs lactés et au toit de chaume. Gaiement, elles croisèrent Mister Trimpot le chaudronnier velu, ainsi que Miss Blendish, la simiesque gouvernante des Templeton. Enfin, elles laissèrent derrière elles les dernières masures du village.

S'engageant sur un chemin de terre, comme le risible comté du Sussex en offre tant, elles se dirigèrent résolument vers le bois prochain. En chemin, comme toutes les petites filles de leur age, elles conversaient de sujets anodins. Ainsi, Alice soutenait maladroitement que le malthusianisme aurait bien plus d'avenir que le marxisme en vue de la lutte contre la paupérisation, ce qui ne lassait pas de rire sa soeur, plus mûre et keynésienne dans l'âme. Comme elles étaient mignonnes à discourir ainsi du monde !

Emballées par ce flux vocal, elles se laissèrent même aller à quelques "secrets de la plus haute importance", bien propres à leur age :
"Sais-tu, dit Alice, que le fils de Ferry est atteint de troubles mentaux totalement extravagants !?"
"Oui ! Et on dit que même le pasteur hésite à jouer à la marelle en sa présence".

 Leurs rires cristallins égayèrent alors les sous-bois dans lesquels elles s'étaient engagées depuis quelques temps déjà. A leur présence, la faune et la flore semblaient s'approcher pour mieux fêter leur insouciance juvénile. Lapins, hiboux, joujoux, faons, léopards, baobabs et hêtres les contemplaient de leurs doux regards. Les baies et les mûres se faisaient sucrées en leurs petites cavités buccales. D'innocentes fleurs chamarrées s'offraient à leurs quenottes avides...

Marquant ainsi de leur empreinte le décor environnant, elles atteignirent une clairière aux ombres délicates. Fatiguées, elles se laissèrent choir au pied d'un vieux et beau chêne, quoiqu'un peu pédonculé.

Mary, la soeur d'Alice, posant son illustré sur le sol, raconta alors l'histoire de Lewis Caroll, professeur à l'université d'Oxford :

"Il était une fois, commença-t-elle, un mathématicien anglais, né et mort sous l'ère Victorienne, qui à part des travaux universitaires dérisoires, contribua fort à l'imaginaire collectif par ses contes pour enfants. On peux ainsi citer dans le désordre : Alice au pays des merveilles, De l'autre coté du miroir et La chasse au Snark. Malgré la relative sévérité des moeurs en ces temps (qui sont aussi les notres, je te le rappelle), il sut allier fantaisie et concepts mathématiques pour le plaisir du plus grand nombre...

 A l'origine de ses histoires était la petite fille de l'un de ses collègues, nommée Alice. Lors d'une promenade, il la prit sur ses genoux et lui narra la fable suivante :

"ALICE AU PAYS RÉCURSIF

En cette belle après midi de juin, le soleil plein d'ardeur, resplendissait en un doux ciel azuré. Tout autour de la cité de Miltdown, ce n'étaient que joies champêtres, rires d'oiseaux et babillements de commères [...]"



 
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